Comment se développe le cerveau de l’enfant ?

20 Déc 2023

Comment se développe le cerveau de l’enfant ?

Pourquoi est-ce important, en tant que parent, futur parent ou accompagnant.e de l’enfant, d’en apprendre plus sur ce sujet ?

 

Le cerveau de l’être humain est constitué de différentes parties. Toutes ne sont pas matures à la naissance. Savez-vous vers quel âge la pleine maturité cérébrale est atteinte ? 25 ans… Il faut environ 25 ans pour que les différentes parties du cerveau se « construisent » et maturent…

Cela veut dire que si votre enfant d’un an vous regarde dans les yeux et recommence ce que vous venez de lui interdire, il ne vous provoque pas… S’il n’est pas capable de gérer la frustration à 2 ans, c’est tout à fait normal… Certains comportements peuvent être pénibles pour les adultes tout en étant tout à fait normaux pour les enfants. Le savoir permet de mieux comprendre l’enfant, décoder ses comportements, pour l’accompagner au mieux.

 

Zoom sur le cerveau :

Il y a en fait 3 cerveaux :

  • Le cerveau reptilien (ou primitif), qui contrôle les fonctions vitales, l’équilibre de l’organisme, les réflexes de survie.
  • Le cerveau mammalien (ou limbique) qui est le cerveau des émotions. Rappelons ici qu’une émotion est une réaction instantanée qui provoque une réaction physiologique. Tout le monde a des émotions : colère, tristesse, joie, peur, amour, dégoût,… Les émotions sont déjà présentes à la naissance de l’enfant.
  • Le néocortex ou cerveau pensant. C’est le seul qui réfléchit. Il est impliqué dans la logique, le raisonnement, la résolution de problèmes, l’empathie, la prise de recul, les apprentissages.

Imaginons maintenant que le cerveau est une maison – cette analogie très ludique a été développée par Stéphanie Dam, formatrice et conférencière, spécialisée dans l’attachement et le développement de l’enfant – avec des fondations, un rez-de-chaussée, un étage, un toit et des escaliers pour aller d’un niveau à un autre. Sans entrer ici dans tous les détails de cette maison, imaginons que les cerveaux primitif et mammalien constituent les niveaux inférieurs de la maison, et le cerveau pensant l’étage supérieur.

A la naissance, seuls les cerveaux primitif et mammalien sont matures. Le cerveau pensant, lui, est immature. L’étage supérieur n’est pas accessible car les escaliers n’ont pas encore été construits. Ces escaliers ne seront opérationnels que vers l’âge de 5-7 ans.

 

Qu’est-ce que cela signifie ?

Chez un tout-petit, les cerveaux « du bas » (primitif et mammalien) ne communiquent donc que très peu avec les cerveaux « du haut ». L’étape de construction des escaliers s’appelle l’intégration, et permet à toutes les parties du cerveau de fonctionner ensemble (y compris aux hémisphères gauche et droit).

Les expériences vécues par un tout-petit, au quotidien, et les réponses que le parent (ou l’adulte qui l’accompagne) lui apporte, modèlent son cerveau et lui permettent d’activer certains neurones plutôt que d’autres, et contribuent à cette intégration. Le cerveau ne conservant pas forcément les connexions des meilleures expériences, mais celles des plus fréquentes, on comprend aisément à quel point la responsabilité du parent au quotidien est importante.

Grâce à cette intégration, les émotions sont connectées à la pensée logique. La circulation se fait alors librement dans la « maison ». Quand le cerveau est peu ou pas intégré, l’enfant va être submergé par l’émotion, confus, agité, ce qui va entraîner colère, agressivité, crises.

 

Prenons un exemple : que se passe-t-il quand un enfant « fait un caprice » ?

Déjà, nous préfèrerons dire qu’il ressent une émotion très forte, qui le submerge. Il subit une « tempête émotionnelle » comme la nomme Isabelle Filliozat, psychothérapeute, auteure et conférencière. Imaginons qu’il ressente de la colère ou de la frustration à ce moment-là. Peut-être parce qu’il souhaite quelque chose très fort, et que pour une raison ou une autre, son parent lui a dit non. Son amygdale, située dans le cerveau mammalien s’active, se met en alerte. Comme il a 3 ans, à ce moment-là, l’enfant n’a pas accès à son cerveau pensant, il ne peut pas se raisonner, se calmer seul, s’autoréguler, ou écouter des explications logiques. Il est bloqué dans ses cerveaux « du bas », primitif et mammalien. Il a besoin de l’aide d’un adulte. C’est l’adulte qui remplit le rôle de « l’escalier ». L’enfant est en insécurité, il ne sait pas ce qui se passe, il est angoissé.

Que peux faire le parent dans ces cas-là ? Même si vous ne comprenez pas pourquoi il « fait une crise », pour lui ce qu’il vit est réel. Il est vraiment mal. Pour le rassurer, vous pouvez commencer par le prendre dans vos bras, si c’est possible, ou vous asseoir à côté de lui, lui dire que vous êtes là pour lui. Cela vous permettra de vous « connecter » à lui, et à ses cerveaux « du bas ». Le toucher permettra aussi à son corps de sécréter de l’ocytocine, l’hormone du bien-être. Cela diminuera son stress. Vous pouvez ensuite nommer son émotion, cela fera baisser le niveau d’alerte de l’amygdale et cela réveillera son cerveau pensant. Nommer et reconnaître l’émotion est aussi important pour l’enfant, pour qu’il se sente compris. Vous pouvez par exemple lui dire « tu as le droit d’être en colère, et pourtant tu ne peux pas…. » Vous pouvez ensuite, par exemple, rediriger l’enfant sur autre chose, ou trouver une solution ensemble, un compromis. Cela l’aidera à aller vers ces cerveaux « du haut » et « gauche ». Votre soutien est vraiment très important et lui apprendra petit à petit à gérer ses émotions seul. Avec un comportement aidant et compréhensif, en étant présent pour l’enfant lors d’une tempête émotionnelle (car l’enfant ne peut pas en sortir seul), l’intégration se développe.

Chaque expérience relationnelle modifie les molécules cérébrales, les connexions des neurones, les structures et les circuits cérébraux, et même l’expression de certains gènes (cf. références bibliographiques en bas de page pour en savoir plus, notamment celles de Catherine Gueguen, pédiatre et auteure). Une relation empathique, aimante, soutenante est indispensable pour permettre au cerveau de l’enfant d’évoluer de manière harmonieuse. L’enfant peut alors déployer toutes ses facultés affectives et intellectuelles.

Finalement, c’est l’entourage qui fait maturer le cerveau de l’enfant. Le cerveau de l’enfant est fragile, malléable (on parle de plasticité cérébrale). Citons ici Catherine Gueguen : « la bienveillance est fondamentale pour le développement du cerveau de l’enfant et de l’adolescent »

A l’inverse, si le parent gère la crise avec autoritarisme, avec des punitions (je parle bien ici de punitions, qui ont pour objectif que l’enfant se sente mal, et non de sanctions, réparatrices), cela aura l’effet contraire du but recherché, et à terme rendra l’enfant insensible, dur, sans empathie. Si le parent crie, cela lui fera peur, en plus d’être triste, en colère, dégouté. De plus, lorsque l’enfant est laissé « en crise » seul, l’amygdale va activer le cortisol, l’hormone du stress. A fortes doses et sur des temps prolongés, ce cortisol va empêcher la création des connections entre cerveaux « du bas » et « du haut », et peut même, dans les cas les plus graves, détruire des neurones dans le cerveau de l’enfant. Cela aura des conséquences sur les apprentissages, la mémorisation, le langage, les compétences, les capacités d’analyse, etc.

Cela ne veut pas dire que le parent doit être laxiste ou permissif. Il est possible de donner un cadre ferme, des repères, tout en étant empathique et bienveillant.e. Et rappelez-vous que la façon dont les adultes proches de l’enfant prennent soin des émotions de cet enfant intervient en partie dans la façon dont différentes parties du cerveau, telles le cerveau pensant, se développent. La manière dont les adultes s’occupent de l’enfant influe donc sur le développement de son cerveau et sur ses compétences futures.

 

Cerveau du oui, cerveau du non

Vous pouvez aussi aider votre enfant, lorsque vous sentez une « crise » arriver, à exercer son cerveau du « oui ». Le circuit du « oui » utilise le cerveau pensant et est le résultat d’un cerveau bien intégré, il aide à aborder le monde avec résilience, empathie, authenticité et ouverture d’esprit (d’après Daniel Siegel, professeur clinicien de psychiatrie et directeur exécutif du Mindsight Institute). A l’inverse, le circuit du « non » utilise les aires inférieures, il est une forme moins intégrée du cerveau, la personne qui fonctionne sur ce mode ne voit que menace dans le monde, elle est moins capable de faire face aux difficultés et n’a pas de réaction de recherche de solutions (source : Daniel Siegel). Les plus jeunes ont souvent recours à leur cerveau du « non », cela correspond à leur niveau de développement. En tant que parent, là encore, vous pouvez aider votre enfant à acquérir la capacité de s’autoréguler, de rebondir après une difficulté, à se préoccuper des autres, ainsi de plus en plus souvent, son cerveau du « non » se muera en « oui ».

Voyez les comportements problématiques de votre enfant comme des messages : « J’ai besoin de développer une compétence dans ce domaine, et pour l’instant, je n’arrive pas à faire ça correctement. »

 

Rappel important

N’oubliez pas que vous êtes aussi un être humain, avec ses forces et ses faiblesses, et que si, de temps en temps, votre façon de gérer la « crise » de votre enfant n’est pas à la hauteur de ce que vous souhaiteriez, ne paniquez pas, cela ne va pas modifier la structure de son cerveau.

 

Conclusion

J’espère que ces informations pourront vous aider à mieux comprendre le fonctionnement du cerveau d’un tout-petit. Je suis convaincue que mieux connaître le développement du cerveau de l’enfant permet d’avoir des relations plus harmonieuses avec son enfant, et l’aidera à devenir un adulte épanoui. 

 

Références bibliographiques :

Catherine Gueguen :

  • Pour une enfance heureuse, 2014
  • Vivre heureux avec son enfant, 2017

Daniel Siegel :

  • L’attachement, 2021
  • La discipline sans drame, 2019
  • Le cerveau de votre enfant, 2015
  • Le cerveau qui dit oui, 2019
  • Mindsight, 2010 (en anglais)

Isabelle Filliozat :

  • J’ai tout essayé, 2019
  • Au cœur des émotions de l’enfant, 2019
  • Il me cherche, 2019
  • Il n’y a pas de parent parfait, 2019

Stéphanie Dam :

  • https://www.stephaniedam.fr/

 

Article rédigé par Emilie Billaud, Dr en Sciences de la Vie et de la Santé, formée en neurosciences affectives et sociales, cofondatrice de l’Étoile des familles.

 

 

Pour en savoir plus sur le développement du cerveau de l’enfant, Emilie animera :

un atelier dédié. Prochaine date : 19 janvier 2024

une conférence. Prochaine date : 2 février 2024.

 

 

Pour vous accompagner dans votre parentalité, l’Étoile des familles vous propose plusieurs ateliers collectifs :

– Ateliers Faber et Mazlish « Parler pour que les enfants écoutent, Écouter pour que les enfants parlent »

Ateliers Isabelle Filliozat

Ateliers Discipline Positive